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L'histoire atypique de l'hôpital Marie Feuillet

Publié le : 10/08/2021 - Jamal Hajjam - Sortir Mag


L'ex-hôpital militaire Marie Feuillet à Rabat abrite non seulement une part importante de l’histoire de la médecine au Maroc, mais aussi de l’Histoire tout court. Situé au quartier de l’Océan, l’établissement hospitalier a été désaffecté en 1999, remplacé par un hôpital flambant-neuf situé au quartier de Hay Riad : l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V (HMIMV). Il a ensuite été réduit en chantier - toujours en cours - pour sa transformation en hôtel de luxe.



Ce même lieu était initialement une retraite du sultan Moulay Sliman (1792-1822), connue sous le nom de Ksar Labhar (maison de la mer, étant sur une falaise surplombant l'océan Atlantique), avec des constructions au style mauresque sobre, des jardins et un promontoire qui donne sur la mer. Il ne restait de ce promontoire que deux petites tourelles séparées de la bâtisse par la route côtière ; à présent il n'y en a qu'une seule, la seconde ayant été sacrifiée par les récents travaux d'élargissement de la route.

Ce même lieu a été également le palais d'été du sultan Moulay Abdelaziz (1894-1908). C'est d'ailleurs là qu'il avait reçu en octobre 1907 la délégation présidée par l’ambassadeur Regnault, accompagné du commandant de la région d'Oran, un certain Hubert Lyautey. C'est donc un lieu qui atteste des prémices de l'introduction de la France au Maroc et le prélude au Protectorat. C'est dire combien son histoire est chargée.

Depuis la conclusion du traité du Protectorat et la désignation de la ville de Rabat, en juillet 1912, comme capitale, on a pensé opérer une extension de l'unique dispositif hospitalier de l'époque qu'était le centre de santé de Sidi Fatah au coeur de la médina, pour répondre aux besoins et à la demande croissants. Un hôpital de campagne étant érigé initialement autour du lieu historique qu'était Ksar Labhar, ce dernier sera choisi pour devenir l'hôpital Marie Feuillet du nom d'une femme engagée (photo), une infirmière major qui a servi au Maroc dans la foulée des pionniers français. Elle a fait de sa charge un sacerdoce, sans être pour autant une religieuse.

Née en 1864 dans les Ardennes, Marie Feuillet aura le malheur de perdre très tôt son mari en 1892 et, neuf ans plus tard, ses deux petites filles emportées par une épidémie de rougeole. Elle décidera alors de se consacrer exclusivement à son métier d’infirmière. En 1907, elle dirige la première équipe d’infirmières de l’Union de France à l’hôpital militaire d’Oran. Un an plus tard, elle repart, toujours à la tête d’une équipe d’infirmières, assurer les formations sanitaires des confins marocains. Elle sera un temps en poste à Casablanca puis se fixera à Rabat.

Le 15 août 1912, en route pour l’hôpital militaire de Meknès, elle ressent une nette aggravation des symptômes du mal qui allait l’emporter, la typhoïde. Elle est hospitalisée à Meknès et, trois jours plus tard, le 24 août 1912, elle décède. Dans l’ordre du jour du 27 août 1912, le général Lyautey (pas encore maréchal) écrit : «Elle est tombée en soldat à son poste de combat».

En octobre 1912, l’hôpital militaire de Rabat, dont elle avait dirigé l’installation un an plus tôt, prend le nom d’hôpital Marie-Feuillet et Lyautey en fera le fleuron de l’équipement hospitalier militaire d’Afrique du Nord.